Il dit aux Juifs : « voici votre roi » (Jn 19, 14-16)

C’est ainsi que Pilate désigne Jésus à la foule et surtout à ses chefs. La foule et les prêtres représentent le peuple de Dieu, le seul vrai Dieu, le roi d’Israël. Pourtant, paradoxalement, c’est un païen qui prononce une parole vraie au sujet de Jésus : il est le roi. Les chefs juifs refuseront cette royauté parce que Jésus menace leur pouvoir et non pas au motif plus compréhensible que Dieu serait leur seul roi.

Lors du procès de Jésus, en effet, les pouvoirs s’affrontent : celui de Pilate, qui a la force pour lui ; celui des grands prêtres, religieux et spirituel, mais également politique puisqu’ils viennent de menacer Pilate de le dénoncer à Tibère César s’il épargne Jésus. Et il y a Jésus, le seul vrai roi, qui tient sa royauté de Dieu et non du monde.
L’enjeu entre Pilate et les chefs juifs n’est pas Jésus, c’est le pouvoir. Cela ne date pas de la venue de Jésus et cela se terminera quelque quarante ans plus tard dans un bain de sang. Voici votre roi a dit Pilate. Mais la foule refuse ce roi qui ne vient ni se battre, ni pousser le peuple à la révolte. Elle attend autre chose d’un roi qu’un commandement d’amour.

Mais ils s’écrièrent : À mort ! À mort ! Crucifie-le ! Pilate leur dit : Vais-je crucifier votre roi ? Les grands prêtres répondirent : Nous n’avons pas d’autre roi que César.
La foule veut un libérateur guerrier et violent. C’est pourquoi elle choisira Barabbas, rebelle et assassin. Les prêtres veulent protéger leur pouvoir, même s’il leur faut pour cela renier celui qui est leur seul roi, Dieu.

À mort ! À mort ! Crucifie-le !
Que de fois dans l’histoire des hommes a-t-on crucifié Jésus ! Chaque fois que le sang a coulé pour des raisons de pouvoir, Jésus a été crucifié.

Chaque fois qu’on a cherché à protéger des intérêts économiques, financiers, politiques aux dépens des autres, Jésus a été crucifié. Croisades, colonisation, guerres de conquête, dictatures, esclavage… Chaque fois que les chrétiens ont maltraité d’autres êtres humains, ils ont renié leur seul vrai roi.
Chaque fois qu’aujourd’hui, des chrétiens excluent, condamnent, déportent des êtres humains en raison de leurs différences, ignorent les plus faibles au nom de leur foi, Jésus est crucifié.

Nous n’avons pas d’autre roi que César
Quelques années plus tard, la grande révolte emportera grands prêtres et pharisiens, nobles et gens du peuple, égorgés ou emmenés en esclavage par un autre César, Flavius Titus.

Jésus est mort pour ses amis. Il est mort pour nous. Il est mort pour nous donner la paix et la joie, en nous laissant son commandement d’amour. Pourtant, l’actualité récente dévoile une normalisation de l’exclusion et de la haine avec la montée des partis nationalistes d’extrême droite. Nous assistons à la montée de régimes populistes antidémocratiques qui, au nom du Christ, rejettent, condamnent, réécrivant l’histoire et tentant de museler la presse et les contrepouvoirs. Dans notre pays, il n’y a pas d’échéance électorale cette année. C’est pourquoi nous pouvons réfléchir et analyser le monde de manière posée. A la veille de Pentecôte, je vous engage, je nous engage à ne pas nous enfoncer dans le piège de l’intérêt personnel ou de la soif de pouvoir. Ne tombons pas dans le gouffre de la haine de l’autre, de la méfiance et de la peur.

Si Jésus est notre roi, rappelons-nous ses paroles, son commandement d’amour. Alors, la force nous sera donnée de résister à la tentation de l’exclusion, de l’égoïsme et de la haine. Alors l’Esprit qui nous est donné nous conduira sur le chemin d’une humanité réconciliée avec Dieu et avec elle-même. Alors Jésus ne sera pas mort pour rien.

Anne Petit

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