(…) je suis lié par les textes de l’Écriture que j’ai cités, et ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr, ni honnête d’agir contre sa propre conscience. Me voici donc en ce jour. Je ne puis faire autrement. Que Dieu me soit en aide. » Martin Luther devant l’empereur à la diète de Worms en 1521.
Chaque année, nous fêtons la Réformation le dernier dimanche d’octobre. La date exacte (fériée dans certains Etats) est le 31 octobre. Elle commémore le jour où Luther aurait placardé ses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg, commençant ainsi un bouleversement religieux qui a conduit à un schisme dans l’Eglise d’Occident, à la naissance de la Réforme. Ici, en France, pays de tradition catholique, et laïque depuis plus d’un siècle, qui connait encore le moine de Wittenberg excommunié pour sa vision de la foi et de l’Eglise ? Les enfants n’en apprennent plus grand-chose, que ce soit à l’école ou au temple. A l’école, on a réduit l’histoire de la Réforme à presque rien ; au temple lors de nos rencontres mensuelles, on se concentre sur la découverte de la Bible et le chemin qui mène au Christ. Beaucoup penseront que ce n’est guère important dans un monde où être chrétien est déjà un marqueur identitaire. Pourtant, notre Eglise protestante unie est née de son histoire, dans ce monde du 21e siècle et vit de la tension entre les deux, entre le passé fondateur et la nécessaire adaptation aux besoins de nos concitoyens. Ne pas connaître cette histoire conduit à ne pas comprendre notre Eglise. C’est pourquoi, pour savoir où nous voulons aller, il faut d’abord comprendre d’où nous venons, d’où vient notre Eglise. Bien entendu, nous ne vivons plus notre Eglise comme Luther ou Calvin l’avaient imaginé, mais pour comprendre ce qui constitue notre ADN, il faut remonter aux origines.
Les paroles que Luther prononce devant l’empereur, paroles qui le condamnent, après l’excommunication, à la mort, sont célèbres, même si en France on les ignore généralement. Le protestantisme est d’abord né du refus d’un homme d’abandonner ses idées, non pas par fierté ou conviction personnelle, mais parce qu’il considérait que sa conscience était « captive de la Parole de Dieu ». Ce sentiment très fort de n’avoir pas le choix, d’être conduit par Dieu, même contre son gré ou contre son intérêt est donc à l’origine de ce qui deviendra une nouvelle manière de croire, d’interpréter les Ecritures et de considérer le monde. Et cette captivité est pour Luther une véritable libération. En effet, en méditant la Bible, il a découvert que seuls, nous avons théoriquement le choix entre le bien et le mal mais que nous sommes systématiquement amenés à choisir le mal, même si c’est le moindre mal de ne penser qu’à nous. Si la conscience de Luther se trouve captive de la Parole de Dieu au moment où il se trouve devant l’empereur, c’est qu’à ce moment de sa vie, le moine de Wittenberg a renoncé à toute prétention à se sauver lui-même. Le salut se trouve en Dieu seul, donc en Dieu seul Luther place sa confiance. Cette captivité libératrice va changer sa vie, elle va changer le monde. Osons comme Luther nous défaire de toute prétention à la réussite personnelle et laissons-nous guider par cette Parole qui nous apporte la paix et l’amour.