L’Evangile implique : avons-nous pris la mesure ?

Avons-nous bien pris la mesure de ce que l’Evangile implique ?

Je me fais souvent la réflexion que nous sommes bien souvent « schizophrènes » (dans le sens courant du terme). Assidus au culte, nous sommes des croyants sincères, heureux de nous retrouver et de prier, chanter ensemble. Puis, revenus dans la vie quotidienne, nous nous comportons, parfois en toute bonne foi, comme si l’Evangile ne changeait rien. Or, si nous vivons comme ceux qui ne croient pas, nous ne sommes pas dans la juste relation à Dieu. Et nous le savons pourtant bien, ne pas être dans la juste relation à Dieu, refuser qu’il nous « ajuste » à lui, c’est être dans le péché. Oh, certes, Dieu nous aime et accepte cette relation imparfaite, il nous donne ce bien-être, cette consolation que nous vivons dans une relation exclusive, en tête à tête en quelque sorte. Mais ce n’est pas ce qu’il désire pour nous. Le culte est certes un lieu de ressourcement nécessaire tout comme les autres rencontres paroissiales mais sa principale fonction est de nous donner les moyens d’aller vivre l’Evangile. Et parfois, la prédication dérange, parfois nous nous sentons un peu trop bousculés, on peut même en vouloir au prédicateur de ne pas nous avoir fait du bien.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Je m’interroge depuis de nombreuses années sur notre capacité à occulter ce que nous ne voulons pas voir, quand bien même nous applaudissons les décisions de nos synodes, fiers d’appartenir à une Eglise qui prend les défis de notre temps à bras le corps. Jésus n’est pas venu nous faire du bien comme un plus dans l’enchaînement de nos activités. Il est venu pour changer radicalement la vision du monde de ceux qu’il appelle à lui. Les disciples ont vécu ce bouleversement. Ils ont tout laissé, sont partis à l’autre bout de l’empire romain et au-delà, au péril de leur vie pour annoncer la bonne nouvelle. Et cette bonne nouvelle, c’est qu’en Christ, « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ » (Galates 3, 28).

Lorsque notre synode a voté une décision concernant l’écologie ¹, beaucoup ont applaudi. Mais la conséquence de ce vote, c’est que nous devons nous emparer de cette décision, personnellement et collectivement. Un « culte de la création » une fois par an ne suffit pas pour remplir nos obligations. Chacun, chacune, doit se sentir concerné et vivre une conversion conforme à cette décision. Lorsque nos synodes votent année après année des vœux et décisions concernant l’accueil des étrangers ² , il nous faut en prendre acte, pas seulement dans nos prières et dans l’accueil fraternel dans nos communautés de personnes venant du bout du monde mais aussi dans nos vies. Notre Eglise nous exhorte là aussi à une conversion.

Et si nos synodes nous appellent à ces conversions, ainsi qu’à tant d’autres (ainsi le synode Sète de 2015 qui nous enjoint de changer de regard sur les personnes LGBTi+³), c’est que l’Evangile nous y conduit.

Je nous exhorte donc à ne pas vivre comme si l’Evangile n’existait pas. En particulier, je pense que vivre l’Evangile un tant soit peu implique de ne pas voter pour un parti qui milite pour la préférence nationale, qui ne reconnait pas la diversité de nos identités, qui est ouvertement ou secrètement antisémite ou raciste et qui n’inscrit pas dans son programme la lutte contre le réchauffement climatique, condamnant la majorité de la population mondiale à vivre dans des conditions inacceptables.

Peut-être serez-vous choqués de mes propos. Peut-être penserez-vous que ce n’est pas mon rôle. Dans ce cas, j’en serai fière. J’aurai réussi à vous rappeler que l’Evangile dérange, qu’il est subversif, que Jésus n’appelle pas au conformisme social et politique mais qu’il nous exhorte à un changement radical de vision du monde. Aimer Dieu ne suffit pas si je n’aime pas mon prochain.

1- https://epudf.org/actualites/ecologie-et-justice-climatique/une-decision-synodale-majeure-26734/
2- https://acteurs.epudf.org/migrants-et-etrangers-10186/
3- https://acteurs.epudf.org/decision-du-synode-national-2015-a-sete-7601/