Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. (Mt 2, 12)
Nous connaissons tous l’histoire des mages, qui ne sont ni trois, ni rois. Ayant lu dans les étoiles la venue d’un roi en Judée, ces savants se mettent en route. Arrivés dans le pays, ils vont tout logiquement au lieu du pouvoir : un roi ne doit-il pas naître dans un palais ? Or le pouvoir en Judée, c’est Hérode le Grand à qui Rome a confié le pays. Hérode l’étranger n’est pas un vrai juif et ne pense qu’à asseoir plus solidement son contrôle sur le pays. Hérode a peur que ce roi devienne une menace pour lui et demande aux mages de lui dire où se trouve l’enfant lorsqu’ils l’auront trouvé, de manière à pouvoir l’éliminer. Les mages, avertis par un rêve, ne repasseront pas par Jérusalem. Ils prendront une autre route pour retourner chez eux.
À quelle autorité sommes-nous soumis ? Les mages ont choisi. Pour reprendre les paroles de Pierre, quelque 30 ans plus tard : « Il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5, 29). Des générations de croyants se sont trouvées confrontées à la question de l’autorité ultime. Les réformateurs au 16 e siècle, Marie Durand au 18e et tant d’autres jusqu’aux Justes de France qui ont caché des Juifs et aux anonymes d’aujourd’hui qui se convertissent au christianisme alors qu’ils risquent la prison ou la mort.
Ces hommes et ces femmes ont choisi, souvent au risque de leur liberté ou de leur vie. Face au pouvoir humain, ils ont décidé que la seule autorité dans leur vie était Dieu. Le gouvernement des humains n’a de légitimité que si ses actes sont conformes à cette autorité ultime qui pourtant a choisi de se manifester dans une Parole qui meurt d’être prononcée. Quel phénomène extraordinaire ! Jésus est venu dans le monde dire et être une Parole d’amour et de pardon. Il a vécu dans le respect de tous et la non-violence absolue, sans chercher le pouvoir pour lui-même. Pourtant, c’est dans cet homme fragile et menacé dès sa naissance que Dieu a investi sa puissance et son autorité. C’est au nom de cet homme crucifié que tant d’hommes et de femmes ont résisté, ont lutté contre le mal commis sciemment ou inconsciemment par les autorités humaines. Grâce à lui, grâce à eux, nous vivons aujourd’hui dans une civilisation où les droits humains, la liberté de conscience, y compris celle de ne pas croire, sont les fondements de nos lois.
En cette période de l’Avent, il est bon de nous rappeler d’où nous venons et de nous poser la question de l’autorité ultime dans nos vies. Les politiques ne sont que des humains, faillibles comme nous. Ils peuvent réagir comme nous, animés par la peur de l’autre, le refus de partager, la peur de perdre leur pouvoir. À nous de trouver les mots et les gestes qui leur rappellent que nous n’avons qu’un seul Seigneur et roi, celui qui est venu, par amour pour tous les humains, partager notre faiblesse et notre humanité.
Anne Petit