Le Kippour

L’apôtre Paul est souvent obscur. Ainsi dans la lettre aux Romains, son raisonnement nous échappe parfois.
…il n’y a pas de distinction, car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu; et ils sont justifiés gratuitement par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ. C’est lui que Dieu a donné comme victime propitiatoire par son sang moyennant la foi, afin de manifester sa justice…(Epître de Paul aux Romains, chapitre 3, versets 22b à 25a)
Pour mieux comprendre la pensée de Paul, je vous propose un détour par le judaïsme.
Mercredi 2 octobre au coucher du soleil, les Juifs fêtent le nouvel an, Rosh Hashana. Cette fête est suivie d’une période de repentance culminant dans la fête du Yom Kippour, du 11 au 12 octobre, où Dieu recouvre (c’est le sens de kippour) les péchés de l’année, il les cache, il ne les voit plus.
Les dates des fêtes juives sont souvent difficiles à retenir parce qu’elles ne sont pas à dates fixes, le calendrier juif étant lunaire, avec de temps en temps un mois intercalaire pour recaler les fêtes. Nous ne nous sentons pas non plus concernés, nous chrétiens, parce que Christ est notre kippour, c’est là le sens du mot propitiatoire. C’est en et par lui que Dieu pardonne les péchés. Il n’est plus besoin de rituel ni de jours obligatoires de repentance. Pourtant, il me semble que nous pourrions bénéficier d’une meilleure connaissance des coutumes du judaïsme parce qu’elles peuvent éclairer notre christianisme et nous faire réfléchir à ce que nous tenons pour acquis. En effet, les apôtres et les évangélistes qui ont interprété ce que nous pouvons appeler l’événement Jésus-Christ l’ont fait à la lumière du judaïsme de leur temps.
La repentance, c’est-à-dire le regret de nos fautes, la confession devant Dieu de ces dernières, et la demande de pardon sont des éléments nécessaires sinon au pardon, du moins à la conversion, c’est-à-dire à un pardon de Dieu qui change nos vies et qui nous mène à la communion avec lui. En effet, si le péché nous éloigne de Dieu, nous ne pouvons partager son repas (c’est là le sens du mot communion). Le judaïsme va plus loin en ce qui concerne la fête de Kippour. Certes, la repentance suffit pour que Dieu pardonne les péchés contre lui. Mais si quelqu’un est en tort envers autrui, kippour ne peut couvrir cette faute s’il n’y a pas eu proposition de réparation et de réconciliation.
C’est bien ce que Jésus affirme aussi lorsqu’il dit « Si donc tu vas présenter ton offrande sur l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande. » (Mt 5, 23). L’autel, c’est le lieu de la rencontre avec Dieu. Dans le judaïsme antique, l’offrande est le signe de la repentance, mais aussi de la communion avec Dieu. Donc, pour Jésus, la communion nécessite non seulement le pardon de Dieu mais aussi une demande de pardon adressée à nous frères et sœurs. Jésus est un Juif du premier siècle de notre ère. Il comprend le monde comme un Juif du premier siècle. S’il accomplit pour nous ce que le rite du kippour accomplit pour les Juifs, c’est à la même condition : que nous nous efforcions de réparer les torts que nous avons commis envers les autres. Le pardon de Dieu ne se vit que dans la communion avec nos frères et sœurs. Et cette communion n’advient que dans le pardon réciproque.

Pasteure Anne Petit

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