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L’ascension (2 Rois 2, 1-18 et Acte 1, 1-11)
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Pour la plupart de nos concitoyens, l’Ascension, c’est un pont, tout comme Pentecôte, c’est un lundi d’ailleurs. Le pont de l’Ascension, c’est joli comme idée. Pont entre la terre et le ciel ? Pont entre Pâques et Pentecôte ? Pont entre Dieu et les humains ?
Comme toujours, l’évangéliste Luc (qui est aussi l’auteur des Actes des Apôtres) cherche dans les histoires de l’Ancien Testament ce qui peut faire comprendre à ses lecteurs ce qui s’est passé ce jour-là. Parce que les disciples ne savent pas raconter l’expérience spirituelle forte qu’ils ont vécue. Qui le pourrait. Alors,
avec quelle histoire Luc compare-t-il l’événement qu’on appelle aujourd’hui l’Ascension ? Il va s’inspirer de l’histoire des prophètes Élie et Élisée (et ce n’est pas la première fois qu’il compare Jésus à ces deux prophètes).
Elie a un disciple, qu’il a choisi, Élisée. Jésus a lui aussi des disciples. Mais alors qu’Élisée comprend ce qui arrive, les disciples de Jésus sont bien en peine de trouver un sens aux faits et gestes de Jésus, et plus encore du Christ ressuscité.
Élisée donc sait que la fin de la vie terrestre d’Elie est arrivée. Pense-t-il qu’il va mourir, pense-t-il qu’Elie va être pris vivant par Dieu, nul ne le sait. Toujours est-il que le disciple se refuse à laisser son maître seul face à la fin de sa vie. À deux reprises, Elie lui ordonne de s’arrêter. À deux reprises Élisée jure de ne pas laisser son maître. Élisée, le disciple modèle, suit son maître depuis que ce dernier est revenu de l’Horeb et qu’il l’a choisi en lançant son manteau sur lui. Il ne pose pas de questions, il est à la suite, au service d’Elie. C’est la mission pour laquelle Elie l’a arraché à ses bœufs et à ses champs. Alors, Élisée suit Elie ; il le suit jusqu’au bout.
Que va-t-il devenir ? Comment va-t-il continuer sans Elie ? Ces questions sont sans doute omniprésentes dans son esprit pendant que les deux hommes marchent vers le Jourdain. Elie n’est pas Jésus, pas de discours d’adieu, pas de nouveau commandement, pas de promesse rassurante pour Élisée. Elie n’a d’autre message que ceux que Dieu lui demande de transmettre. Elie n’est qu’un prophète. Il n’est pas le Messie, il n’est pas le Fils de Dieu. Pourtant, à la dernière minute, il pose cette question à Élisée : que veux-tu que je fasse pour toi avant que je ne sois pris d’auprès de toi ?
Élisée n’hésite pas. Élisée ne se pose pas de questions sur la venue de Dieu ou la fin des temps. Élisée pense concret. Demain, que va-t-il se passer ? Demain, que vais-je devenir ? Comment rester fidèle à mon maître qui s’en va ?
Alors, Élisée n’hésite pas : « qu’il y ait sur moi, je te prie, une double part de ton souffle ». Élisée avait déjà reçu une part de l’esprit d’Elie lorsque ce dernier l’avait appelé. Un prophète n’est prophète que parce que l’Esprit de Dieu se pose sur lui, directement ou indirectement. Une double part, c’est l’assurance pour Élisée de pouvoir continuer la mission de son maître. C’est la certitude de ne dépendre d’aucun roi, de n’être que le prophète du Seigneur. Une double part de l’esprit d’Elie, une double part de l’Esprit Saint, voilà une demande audacieuse mais logique, cohérente et tout compte fait pleine d’espérance : espérance que Dieu va se servir de lui comme il s’est servi d’Elie ; espérance que sa vie va être utile à Dieu et au peuple d’Israël. Espérance aussi tout simplement d’être exaucé dans cette demande bien osée.
Dans ce passage, l’ascension d’Elie ne tient que peu de place. Le récit se focalise non pas sur Elie, mais sur Élisée. Je n’essaierai même pas une explication de ce qui s’est passé. Elie était là puis il n’y était plus, tout comme Jésus d’ailleurs. Certes, l’ascension d’Elie est bien plus baroque que celle de Jésus, mais elle est tout aussi symbolique. Seules les images sont différentes. Mais au fond, ce qui importe au narrateur, tout comme à Luc d’ailleurs, c’est ce qui se passe sur terre, dans le monde et non pas ce qui se passe au ciel.
Le contraste entre l’attitude d’Élisée et celle des disciples de Jésus est frappant. Vient-elle du fait qu’Élisée est déjà prophète alors que les disciples n’ont pas reçu l’Esprit Saint ? Vient-elle de la personnalité d’Élisée qui ose demander ce qui lui permettra de continuer la mission de son maître ?
En tous les cas, Élisée ose demander et il obtient ce qu’il demande. Il ne reste pas planté au bord de l’eau en regardant de ciel et en se demandant quand Elie va revenir. Il retourne sur l’autre berge en vérifiant immédiatement qu’il a bien reçu la double part du souffle de son maître. A partir ce cet instant, Élisée succède à son maître comme prophète du Seigneur. Il accomplira les mêmes miracles, il prononcera ses oracles avec la même assurance.
Elisée sait donc poser les bonnes questions, il ose demander pour lui cette double part, non pas pour être important mais pour mener à bien la mission que Dieu va lui confier. En effet, celui qui est élevé, honoré, ce n’est pas celui qui reçoit l’Esprit, c’est celui qui s’en va, Elie, qui quitte notre monde. Celui qui demande et reçoit une double part de l’Esprit est celui qui est ancré sur terre, dans l’histoire de son peuple. En effet, les lieux qu’il traverse avec Elie sont des lieux symboliques de l’histoire d’Israël, plus particulièrement des épisodes de cette histoire qui parlent d’un Dieu qui sauve, d’un Dieu qui agit dans le monde des humains, d’un Dieu qui tient ses promesses. Ils parlent aussi de ceux qui lui ont fait confiance, qui l’ont reconnu comme leur Dieu.
Élisée ne part pas en mission en électron libre. Il ne veut pas l’Esprit pour lui, il veut l’Esprit pour Dieu.
Soyons comme Élisée. Osons demander l’Esprit Saint. Osons en demander une double part. Cela ne fait pas de nous des chercheurs de gloire mais des chrétiens désirant servir leur maître au mieux. Nous aussi sommes ancrés dans une histoire, en partie la même qu’Élisée, nous aussi savons que Dieu sauve ses enfants, que Dieu bénit les humains qui se tournent vers lui. Comme Élisée, nous avons un maître, Jésus le Christ. C’est lui qui a été élevé, pas nous. L’Esprit que nous demandons est celui qui nous permettra de mener à bien les missions que Jésus nous a confiées. Celle qu’il a déjà donnée à ses disciples : être ses témoins en vivant le commandement d’amour. Demander une double part de l’Esprit, ce n’est pas vouloir s’élever mais au contraire reconnaître que sans l’Esprit nous ne pouvons pas mener notre mission ici, sur terre, dans ce monde que Jésus a voulu sauver.