Grâce et paix vous sont données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus !

C’est avec ces mots de l’apôtre Paul (Epitre aux Ephésiens1, 1-11) que nous sommes traditionnellement accueillis au culte ; après cette ouverture la liturgie se poursuit par la louange, la prière de repentance, etc…

Cette annonce a toujours eu sur moi un effet libérateur et apaisant.

Elle me permet de laisser derrière moi soucis, tristesses, inquiétudes…, elle me décentre et me rend disponible à un temps d’écoute, de réflexion…

Mais je m’interroge : ce terme de grâce, si souvent employé chez les chrétiens, et particulièrement chez les protestants ! et si souvent galvaudé, – signifie-il encore quelque chose pour quelqu’un qui entrerait pour la première fois dans notre Eglise ?

Car notre langue a évolué et la société s’est laïcisée. Et les « gros mots de la foi » perdent de leur signification.

Quand nous entendons ce mot « grâce », comment résonne-t-il en nous, quel imaginaire convoque-t-il ?

Pour moi, ce mot évoque la période médiévale : le seigneur ou l’homme de guerre fait grâce à un ennemi, à un féal : il ne lui tranche pas la tête mais il le laisse vivre, parfois moyennant rançon !

Crier grâce : c’est demander pitié.

A notre époque, dans notre République, et cela fait partie de ses prérogatives, le président peut accorder sa grâce à un condamné, et donc le tenir quitte de sa peine.

Ce mot « grâce » vient de gratia en latin qui signifie reconnaissance ou ce que l’on accorde à quelqu’un. Ainsi rendre grâce, signifie montrer sa reconnaissance.

L’adjectif gratus se traduit par agréable. Un moment de grâce est un moment particulièrement harmonieux. Ainsi, sensible à l’attrait ou le charme d’un geste ou d’une attitude, j’en admire la grâce …

Oui, mais qu’en dit la Bible ?

L’apôtre Paul utilise dans ses écrits le mot grec Charis pour dire la grâce et dans charis il y a la notion de joie et de don.

Ainsi : « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne dépend pas de vous, c’est le don de Dieu. » (Ephésiens 2,8)

Luther au XVI° siècle redécouvre que la grâce est une attitude de Dieu, la manière dont Dieu se tourne vers l’homme. Il n’y a rien dans la nature de l’homme qui le rende aimable, mais il est aimé malgré tout car l’initiative revient à l’amour de Dieu. (cf E. Parmentier)

Dans l’évangile de Luc, le père court au-devant du fils prodigue pour l’accueillir et l’embrasser…

Et pour citer le professeur Frédéric Rognon : Nous n’avons pas à faire nos preuves pour « être quelqu’un ». En effet, Dieu aime, chacune et chacun en particulier, sans aucune condition. Dieu prononce sur chaque personne un « Oui, je t’aime, tu as du prix à mes yeux ! ». Cet amour n’est pas du même ordre que nos amours humaines, qui peuvent s’atténuer, prendre fin, voire s’inverser en haine. Il s’agit au contraire d’un accueil et d’une fidélité inébranlables. C’est ce qu’on appelle « la grâce ».

Nous sommes libérés de tout souci de bien faire, libérés de nous-mêmes : c’est ce que Luther et Calvin appellent le salut par la grâce seule. Sola gratia qui est la première des 5 devises du protestantisme (sola gratia, sola fide, sola scriptura, solus Christus, Soli Deo gloria).

Le vin généreux versé en abondance aux noces de Cana est une illustration de cette grâce de Dieu. (Evangile de Luc)

La grâce est une dynamique. En effet dans ce lien d’affection nait une relation de confiance avec Dieu, autrement dit ce lien suscite la foi. Ce geste d’amour de Dieu vers nous ne change pas seulement notre rapport à Dieu ; il nous encourage à grandir, il change notre façon d’être dans le monde, notre comportement, notre éthique.

La grâce nous confère une grande responsabilité : celle de porter des fruits.

D. Bonhoeffer parlera de la grâce qui coûte : « C’est l’Evangile qu’il faut toujours rechercher à nouveau. Elle coûte parce qu’elle est, pour l’homme, au prix de sa vie ; elle est grâce parce que, alors seulement, elle fait à l’homme cadeau de la vie ».

Je vous invite à (re)-découvrir le très joli texte de R. Picon « Une heure de grâce » dans Un Dieu insoumis (Labor et Fides)

Que la grâce du Seigneur illumine nos jours et éclaire nos nuits !

Qu’elle nous soit source de joie et de vie !

Alors, ensemble, chantons ce gospel « Amazing Grace » !

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